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Famille Lapierre
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1 janvier 2009

Polichinelle - Pierre Bailly

Un petit livre à vous faire découvrir en réaction aux gouts musicaux de Julie. Le style très particulier fait pensé à du slam ou du rap par le rythme des phrases. C'est très déroutant au départ, mais on s'y fait rapidement et on accroche finalement bien au roman qui se lit très vite. 21aAvNjZEcL Voici un petit extrait (volé à Télérama) : Je suis très très chaude, nous crache Missy Elliott du poste de Johannes. Je suis une tache d’huile dans un gobelet de Volvic. Demain je serai une tulipe dans un godet en bronze de gin tonic. Missy éclabousse. Un bain de mousse, une cambrousse de coton. Je flotte, je bronze. Son chant bouillant. Asperge-moi de décapant et je me gratte, et Jules rapplique, gare son bourricot sur le ciment. Viens, c’est là, rentre dans le club. L’abribus protégé des buses. Laura dirait Castoche. Les tuiles dégringolent, fastoche. Le beat est gogol, naïf, en plastoc. Lâche-moi la grappe, je vais me noyer grave, des basses sourdes, je glougloute en apnée, elle m’a encore eu. Je bois la tasse, je ne capte plus rien à ce qui se passe. Je ne sais pas qui est là, où on est, je ne me sens même pas mal. J’ai les orifices qui s’avalent, à la place des yeux deux nouvelles oreilles qui s’installent, une citrouille dolby digital. Diane et moi on habite un coin de Clairvaux, comme un village dans le village. Une place et une fontaine et cet abribus. C’est plus une cabane qu’un abribus comme on se les imagine en béton armé ou en tôle. Il est en bois et le toit est en tuiles. Il a un banc, pareil, en bois, un banc de parc. Laura et Diane s’échauffent pour un footing. Laura deux trois fois par semaine se tape un footing. Aujourd’hui Diane accepte de l’accompagner. Elle veut essayer. Elle dit au bahut je grimpe trois étages, j’arrive je suis décapitée, je sens ma gorge qui râpe, t’sais. Jules dit moi j’ai des bronchites chroniques, le matin je molarde de méchantes glaires. Et tu crois quoi, moi, lui jette Johannes, puis il se soulève le tee-shirt et s’agrippe le gras. Tu vas pas dire que t’es obèse, s’excite Charlotte. Il me dit qu’il est obèse, putain il m’agace. Si lui il est obèse moi je suis quoi, fait Laura. Jules se sent visé. Laura aussi n’est pas fine comme Diane ou Charlotte. Sauf que Laura c’est tout du muscle. Et Laura elle en a dans le soutif, alors que Charlotte c’est une planche à pain. En plus une grande perche, elle mesure un mètre quatre-vingt-deux, Charlotte. Johannes, non, faut pas se foutre du monde. Okay, il gonfle la bedaine, ça donne un ballon, et c’est la bière il dit, et c’est vrai, mais de là à se prétendre obèse. Jules dans ce cas-là c’est une baleine. Bah ouais, pouffe Johannes. T’es une baleine. Jules t’es un cachalot. Ça chauffe et on prend tous la défense de Jules. T’es le Groënland à toi tout seul. On se précipite à sa rescousse le pauvre Jules. Jules, non, Johannes il déconne. Johannes s’excuse, en plus t’es pas gros, t’es juste déformé du bidon. Jules il a un cul à la place du ventre. Comme deux pastèques et c’est bizarre, et c’est Tchernobyl. – Nous on a des bornes à croquer, lance Laura à Diane. T’es prête ? Laura elle court pieds nus, en caleçon ras la chatte, shorty on appelle ça, et une ceinture avec deux poches, une ronde prévue pour la gourde et une poche à fermeture scratch où elle met le flingue et des barres énergétiques. Je suis en fac à Besançon, notre académie. On l’appelle Besac. Capitale de la région Franche-Comté et de l’horlogerie. Je passe en licence, j’ai repiqué une année. Je sortais avec Delphine. Ça a duré vingt et un mois. Je séchais tout et les TP faut y être assidu sinon ils nous refusent aux examens. C’est pas mon truc les études. J’y retourne une semaine, un dernier partiel, ménage dans la chambre et du bordel à récupérer chez Delphine. Le jeudi soir il y a une fête chez des blaireaux qui arrosent la fin de l’année. J’y vais avec de la musique vu que je flaire la daube et ça ne rate pas et je suis fin cuit à deux heures, marre de leur vieille soupe, j’envoie mon son et ils se mettent tous à hurler oh mes oreilles… non pas ça… tout sauf du rap… je me lève et je les imite, leurs gueules de merde avec les mains sur les feuilles et des grimaces de teuteuille et je dis pareil, oh non pas du rap, et je violerais bien Juliette mais son mec c’est Armand et c’est un costaud, je me barre, je reviens, je saute sur Juliette et Armand me chope à la tignasse. C’est pas mon truc les étudiants. Je déboule dans la chambre de Diane, par terre on dirait de la bave de chat, ou du sperme, une flaque, je sautille jusqu’au tabouret tourniquet et j’entends la porte de la salle de bains claquer, elle entre avec du coton au bout des doigts et du noir autour des yeux, elle me dit je perds mes cils. Elle sautille jusqu’au lit, se grille une clope, ouvre son velux, ramasse une bouteille de Volvic cinquante centilitres. Je lui passe le cendrier qu’est sur le bureau, me tape deux tours de tabouret tourniquet et elle me dit recommence on dirait un diablotin qui sort de sa boîte. Elle me soûle. Elle est moche sans ses cils. – Alors ça y est, monsieur est en vacances. Diane est en seconde au lycée Jean-Michel de Lons-le-Saunier préfecture du Jura. On habite Clairvaux-les-Lacs, vingt-quatre kilomètres de Lons-le-Saunier. Le matin elle prend le bus pour aller au lycée à Lons. Le bus est jaune. Le chauffeur du bus s’appelle¬ Damien. Diane c’est ma sœur. Elle revient de la salle de bains la gueule nette, les cils ont repoussé. Elle me dit hier j’avais baby-sitting chez le patron de la scierie Martine, j’ai dévalisé leurs placards de bouffe. – T’es prête ? – Ils avaient du coulis de framboise… Hop dans l’AX, on file chez Jules. Jules, son grand-père est producteur de mousseux. On y ajoute du sirop de citron. À minuit Diane n’a plus que sa culotte, imite sa prof d’histoire quand elle leur souhaite bon week-end avec sa voix de pince à linge, saute dans la piscine et nous envoie de grosses brassées de flotte à moi et Johannes assis chacun sur un transat au bord du bassin. C’est la piscine de Narbé, le voisin de Jules. Narbé est parti en République dominicaine et a chargé Jules de venir donner les croquettes à son chat Minette. Johannes change le disque dans son poste. Johannes se trimballe toujours un poste. Et il a un trou à l’épaule et s’en sert d’étagère pour son poste. Johannes il est à fond de rap, ricain, du lourd, du qui te décapsule le trou du cul. Johannes c’est le bermuda Champion avec le maillot de Kobe Bryant et la casquette US Brooklyn sur un bandana. Il ne joue pas au basket en club mais on pourrait croire. Ensemble on taquine de temps en temps chez Jules sur le panier Power Dunk fixé au-dessus de la porte du garage et il nous ratatine tous, Johannes. Il y a de quoi s’imaginer qu’il joue en club tellement il épate. Limite qu’il est retenu en sélection du Jura. Johannes il est déjà en vacances. Hier soir c’était son conseil de classe, pas de blème il passe en troisième. Il sort avec Charlotte. Ça fait pile deux mois aujourd’hui. Charlotte ce soir elle est bien torchée, elle est folle dingue de Johannes son poussin oh mon poussin viens avec moi dans la maison je veux te bécoter dans un coin de pièce, et ils s’arrachent en amoureux, Charlotte en chantant du Alain Souchon. Jules espionne Johannes et Charlotte dans la cuisine. Diane se sèche dans le rideau en velours puis se rhabille. Le parking crache du boucan, des crissements, à travers la vitre de la porte de la cuisine Johannes et Charlotte qui s’embrassent, qui s’en foutent alors que la fenêtre de la cuisine donne sur le parking, s’en foutent ça fait pile deux mois aujourd’hui, se caressent les fesses, rentrent une main dans la poche arrière du pantalon. Ça tambourine à la porte et on reconnaît aux poings, c’est les barbares de Foncine. Laura coupe le poste de Johannes sur la table du salon. Trois molosses, dont le blond, il était au lycée avec moi, oh salut les babys, salut Lionel tu vas bien ? me jette le blond, Philip son prénom. Bon anniversaire, Lionel. – C’est pas mon anniversaire. – Je t’ai amené un cadeau, Lionel. Une conserve de lentilles. Ouverte, pleine, avec une tulipe, juste la fleur, sans la tige, plantée dans les lentilles, et voici, monsieur connard ! cadeau d’anniversaire ! – Tu te crois drôle ? lui retourne Diane ma frangine. Les deux barbares derrière Philip se fendent la gueule. Moi ça me dépasse. J’essaie de sourire. Enfin j’en ai marre, c’est toujours les mêmes conneries. Ils se font chier le soir alors ils viennent nous faire chier parce qu’il y a trop moyen de se payer nos figures de tulipe ça c’est sûr, c’est facile hein, eux ils pètent la forme, bonne santé, ils s’en tapent. Ils sont pétés de fric, ils s’en tapent. Ils portent tous un appareil dentaire. Il y a deux ans ils avaient des dentitions de barbares classiques, avec des taches, des trous, des dents cassées, et il y a deux ans une de leurs grands-mères a gagné au Loto plusieurs millions d’euros, une super-cagnotte comme ils font pour les jours fériés et ils se sont tous fait retaper le bocal. Il y a deux ans ils nous laissaient tranquilles, jusqu’à ce qu’ils deviennent ces espèces de barbares sophistiqués, barbares fashion je vous jure, avec des habits à la mode, par exemple le jean délavé pour faire style, tout pour faire style, le jean déjà troué, rapiécé, et puis les cheveux décolorés, juste quelques mèches, et puis du gel pour faire la crête et s’assurer de se tirer facile deux petites chattes rasées par soir. Il y a deux ans c’étaient des bikers, comme Jules et Johannes ils bougeaient à scooter, ou à mobylette comme mon pote Arnaud le Padrino. Après le Loto ils se sont tous acheté des Golf noires. Plus pratique pour se faire téter la nouille sur un parking de boîte de nuit. Philip sort de la poche intérieure de sa veste une liasse de billets de cinquante euros. – Vos livrets de Caisse d’Épargne, pas trop la misère ? – Ça va, lâche Jules. – Ah bah si ça va, se marre Philip en se retournant sur ses deux gorets qui font pareil, se marrent. Vous squattez chez le voisin, vous avez pas encore tout saccagé, ça va. – Bah ouais, tu vois. – Alors si ça va… – Ça va, dit Jules. J’aurais envie de relancer le disque dans le poste de Johannes et de continuer et pourquoi pas avec Philip et ses deux potes mais de retrouver cette ambiance de picole, de piscine, Johannes et Charlotte sortent enfin de la cuisine. Tombent sur Philip avec ses lentilles, sa tulipe et Johannes éclate de rire, le traite de pédé l’autre avec sa conserve et sa fleur oh qu’est-ce qu’il fout là, encore, lui ! – Belle soirée, non ? répond Philip à Johannes. On va pas gâcher la soirée pour une tulipe, non ? Il la retire de la conserve et lui arrache les pétales, Lionel je t’aime un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout. Je ne t’aime pas du tout, Lionel. Après quoi il renverse la conserve de lentilles sur Johannes, sur sa casquette, et Johannes ne bouge pas. Les lentilles lui dégoulinent sur l’épaule gauche, Philip dépose la conserve vide sur son trou à l’épaule droite, le jus de lentille goutte sur le carrelage. Les yeux de Diane triplent de volume et se mettent à baver leur glu, Jules son cul au ventre qui gonfle.
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Commentaires
C
Ce n'est pas un résumé, c'est un extrait de texte, le début du livre.
V
un peu long comme résumé!!
Famille Lapierre
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